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Rachid Boudjedra

Issu d'une famille bourgeoise, Rachid Boudjedra est né le 5 septembre 1941 à Ain Beida où il passe sa prime jeunesse. Les études commencées à Constantine sont poursuivies à Tunis au lycée Sadikia. Après l' indépendance, c'est le retour au pays natal. Il entreprend alors des études de philosophie à Alger et à Paris. Son cursus universitaire s' achève avec la présentation d'un mémoire sur Céline. Il se destine à l' enseignement (Blida) mais en 1965, après la prise du pouvoir par Boumèdienne, il quitte l' Algérie et séjourne en France puis au Maroc. Il a assuré des séminaires à travers le monde: Maghreb, Proche-Orient, Europe, Etats-Unis. Interdit de séjour pendant plusieurs années, il retourne en 1974 en Algérie où il a commencé par enseigner à l' université d'Alger avant d'assumer des fonctions au ministère de l' information et de la culture. Il participe à la rubrique culturelle de la revue hebdomadaire Révolution Africaine, et depuis la création de la ligue des droits de l' homme, il en est membre. Boudjedra inaugure sa carrière littéraire par un recueil de poèmes Pour ne plus rêver (1965), publié aux Éditions nationales d'Alger, illustré par le peintre -déjà consacré alors- Mohamed Khadda, version censurée par l' éditeur. La deuxième version, Greffe, paraîtra en 1984 aux Éditions Denoël et sera traduite en arabe. Il est l' auteur de quelques essais: La Vie quotidienne en Algérie (Paris, Hachette, 1971), Naissance du cinéma algérien (Paris, Maspéro, 1971), Journal palestinien (Paris, Hachette, 1972). Mais c'est son oeuvre romanesque qui le fait particulièrement connaître. Son premier roman, La Répudiation, édité chez Denoël en 1969 est couronné par le prix des Enfants terribles. Toujours chez le même éditeur paraîtront: L' Insolation (1972), Topographie idéale pour une agression caractérisée (1975), L' Escargot entêté (1977), Les 1001 années de la nostalgie (1979), Le Vainqueur de coupe (1981), Le Démantèlement (1982), La Macération (1984), La Pluie (1987), La Prise de Gibraltar (1987). Boudjedra a également signé quelques scénarios dont: Chronique des années de braise (Palme d'or du Festival de Cannes en 1975) et Ali aux pays des mirages (Tanit d'Or du Festival de Carthage en 1980). L' oeuvre romanesque de Rachid Boudjedra initialement conçue en langue française (La Répudiation, L' Insolation, Topographie idéale pour une agression caractérisée, L' escargot entêté, Les 1001 années de la nostalgie, Le Vainqueur de coupe.) nous est livrée actuellement, dans sa version originale, en langue arabe pour, dit-il, "moderniser le roman arabe"! Le changement de code linguistique qui se lit aussi comme un acte d'émancipation convoque un lectorat essentiellement nourri aux sources originelles. Mais il n'est pas exclusif. La traduction des oeuvres telles Le Démantèlement, La Macération, La Pluie, La Prise de Gibraltar, presque simultanée et assurée par l' auteur lui-même, confirme la fidélité à l' instrument de communication antérieur et à la catégorie des lecteurs francophones. Parfait bilingue, Boudjedra cherche à réaliser la démonstration de la conception utilitaire d'une langue maintes fois proclamée par divers utilisateurs. Cependant, les déclarations parfois agressives sur la nécessité de la rupture avec la langue étrangère, si elles paraissent justifiables lorsqu'on se situe sur la plan de la (re)conquête de l' identité et de l' émancipation des systèmes de domination, n'en demeurent pas moins réfutables. Les contraintes historiques ont légué aux générations contemporaines de Boudjedra un héritage culturel incontournable qui compte indubitablement parmi les composantes de la personnalité algérienne. Le constat d'évidence, souvent dissimulé derrière le débat sur l' usage d'une langue autre que celle des origines, transparaît dans les romans de Boudjedra et définit en partie le caractère littéraire de l' oeuvre, quête identitaire se définissant par le syncrétisme culturel, perceptible dans la citation conjointe du Même et de l' Autre et dans le jeu du travail d'une langue sur l' autre. En même temps que s' effectue le modelage de la bilangue, se dessinent les traits caractéristiques de l' écriture. Redire la violence, l' agressivité, la subversion, la provocation, c'est essentiellement souligner que l' écriture est conçue comme une catharsis par laquelle l' écrivain se libère de ses angoisses et de ses fantasmes, ou tout du moins parvenir à une atténuation de la souffrance: "C'est grâce à cette charge que l' on dépose sur la feuille que l' on arrive à une certaine libération de soi" écrit-il. L' écriture procède aussi du règlement de compte "pour rendre le réel inoffensif" et conjurer le mal. Conjointement à la fonction psychanalytique, sociale et politique de l' écriture, celle-ci, empreinte de poésie, sert aussi le plaisir. "L' écriture charnelle" est un acte d'auto-jouissance. Visiblement le plaisir est là lorsque l' écrivain mêle la désinvolture au sérieux, lorsque le délire poétique gonfle la parole anorexique, lorsque de détail futile gagne la place de l' essentiel. Cette écriture jamais statique, bouleversant les codes traditionnels de la narration, est en perpétuelle gestation sémantique. Les espaces textuels où les signes s' entrechoquent et renvoient à leur double contraire s' ouvrent à la signifiance plurielle. L' ambiguïté présente favorise la multiplication des pistes et fausses pistes interprétatives et noie passablement la parole autoritaire. Au profit de cette mise en scène de l' écriture les procédés rhétoriques et structuraux sont à l' oeuvre. Ainsi, chaque protocole de lecture d'une oeuvre apporte la confirmation que la littérature de Boudjedra c'est d'abord le roman de son aventure scripturale. C'est autour du thème de l' écriture que se réalise l' unité de l' oeuvre dont on reconnaît pourtant le caractère protéiforme. D'un récit à l' autre les motifs fictionnels récurrents se prêtent à l' exploitation d'autres motifs fondateurs de la différence.

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