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Jacques Pâris de Bollardière

  • Jacques Pâris de Bollardière
Militant/e
(Homme)
Pays principal concerné : Rubrique : Histoire/société, Interculturel/migrations

Jacques Pâris de Bollardière, né le 16 décembre 1907 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 22 février 1986 à Guidel (Morbihan) ; général ; combattant dans les Forces françaises libres ; compagnon de la Libération ; opposé à l'emploi de la torture pendant la guerre d'Algérie, démissionnaire de l'armée ; militant du Mouvement pour une alternative non-violente.

Né au château des Fougerais près de Châteaubriant, Jacques de Bollardière était le fils d'une « propriétaire », et d'un Lorientais, officier de l'infanterie de marine, qui avait participé aux expéditions coloniales avant 1914 et s'était installé au Maroc où il mourut en 1917. Il est donc issu d'une vieille famille noble et catholique. De retour en France, Jacques de Bollardière fit ses études secondaires au collège Saint-Sauveur de Redon (Ille-et-Vilaine), entra au Prytanée militaire de la Flèche puis à l'École de Saint-Cyr en 1927. Il apaprtenait au Bleun Brug, association catholique d'orientation nationaliste bretonne.

Il devait devenir officier par tradition familiale mais il fit preuve à Saint-Cyr d'une telle indépendance d'esprit qu'il fut souvent puni (350 jours d'arrêts de rigueur) et sortit sergent au lieu de sous-lieutenant. Nommé à Saint-Avold (Moselle) puis à Bastia (Corse), il obtint enfin son grade de lieutenant. Il s'engagea alors dans la Légion étrangère et fut affecté dans le Sud du Maroc où, affirmait-il, « je ne foutais absolument rien ».

Jacques de Bollardière participa activement à la guerre. Dans la 13e demi-Brigade de la Légion (qui devait aider la Finlande), il se trouva engagé dans la campagne de Norvège, participa à la prise de Narvik, puis revint en France où il assista impuissant à la débâcle. Il gagna l'Angleterre le 17 juin 1940 et rallia les FFL où sa brigade fut reconstituée. Il combattit sur tous les fronts africains : Dakar, Cameroun, Érythrée, Bir Hakeim et El Alamein d'où, le bras broyé par l'explosion d'une mine, il fut évacué au Caire en octobre 1942. Entre-temps le tribunal militaire d'Oran, aux ordres de Vichy, l'avait condamné à mort le 3 décembre 1941. À sa sortie de l'hôpital, il rejoignit l'État-major à Alger où, témoin des rivalités de Gaulle-Giraud, il décida de se rendre en France pour y lutter avec la résistance intérieure. Il suivit en Angleterre un entraînement de parachutiste et arriva en France le 12 avril 1944 sous le pseudonyme de Prisme pour préparer, dans le cadre de la « mission citronelle », les conditions d'un franchissement de la Meuse. Nommé lieutenant-colonel le 1er juin 1944, il opéra dans le maquis ardennais. Encerclé le 12 juin par les Allemands une centaine de maquisards furent abattus, mais la résistance réorganisée aida les troupes américaines à traverser la Meuse. Bollo (comme on l'appelait familièrement) fut blessé par un éclat de mine. Il avait pris conscience du rôle important de la résistance d'une population civile occupée. Il accomplit encore une mission de commando parachutiste lors de la libération des Pays-Bas.

En 1945, à trente-huit ans, il était décoré de plusieurs Croix de guerre, de la Croix de la Libération et d'autres distinctions. Le 27 décembre, il épousa Simone Ertaud qui jouera un grand rôle à ses côtés, dans son engagement humaniste.

Appelé à commander des parachutistes, de Bollardière partit fin février 1946 en Indochine où son épouse, enceinte, le rejoignit le 14 juillet. Deux séjours successifs à Saïgon en 1945-1948 et de 1950 à 1953 à Hanoï, lui apprirent à mieux connaître la lutte du Viet-Minh et les débuts de l'emploi de la torture par certains militaires. Il aboutit à la conviction que c'était une folie d'envoyer une armée se battre contre un peuple et que les valeurs morales de l'armée risquaient de se dégrader. La guerre d'Algérie allait renforcer cette conviction. Depuis octobre 1953, Bollardière enseignait à l'École de guerre la stratégie des troupes aéroportées. À la fin de 1954, alors que le reste de l'armée française était évacué d'Haïphong, éclatait à la Toussaint la révolte du peuple algérien.

Les « chefs historiques » du FLN s'étaient engagés, pour mobiliser les Algériens, dans une guérilla où la guerre subversive entraîne des répressions qu'elles-mêmes engendrent le terrorisme lequel est suivi de représailles. De Bollardière s'inquiéta lors de l'envoi par le gouvernement Guy Mollet des jeunes du contingent et partit, en juillet 1956, commander, dans l'Est de l'Atlas blidéen, des rappelés de l'armée de l'air. Ne croyant pas en une victoire militaire mais à « un aménagement de part et d'autre d'une cohabitation de deux communautés », il choisit, dès le début, de refuser d'employer ce qu'on appelait les « interrogatoires poussés », en d'autres termes la torture. Il tenta au contraire d'établir le dialogue avec les Algériens par l'ouverture de chantiers protégés, financés par le gouverneur général et la préfecture d'Alger. Avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, directeur de l'Express, et le colonel Barberot, furent organisés les « commandos noirs » chargés de contacts confiants avec la population. Ces chantiers employaient plus de trois mille hommes quand, en novembre 1956, Bolladière fut nommé général. Le directeur de la sûreté générale, Jean Mairey, fit en janvier 1957 un rapport élogieux sur son action mais il sera révoqué par le ministre Bourgès-Maunoury. Les crédits pour les chantiers furent coupés et le général Massu chargé du maintien de l'ordre avec les paras. Bollardière rencontra Massu le 8 mars 1957 et s'opposa à la torture que son interlocuteur justifiait. Ayant reçu l'ordre de fouiller les mosquées, il refusa d'obéir et rentra à Nantes le 17 mars après avoir rencontré, en vain, les généraux Allard et Salan ainsi que Robert Lacoste*. Il déclara en 1977 : « Ce jour-là, j'ai été obligé de rompre avec l'armée pour me préserver moi-même, pour ne pas me détruire. »

Ayant choisi la vérité contre « les lâches compromissions », le général de Bollardière envoya une lettre de soutien à J.-J. Servan-Schreiber publiée dans l'Express du 27 mars 1957, montrant le danger qu'il y avait, au nom de l'efficacité immédiate, de perdre de vue les valeurs morales de l'armée. Ce texte, mesuré, était en fait un refus d'obéissance car il ne l'avait pas communiqué, selon le règlement, au ministère des Armées, avant de le donner à la presse. De Bollardière fut sanctionné ; échappant au renvoi de l'armée grâce à l'intervention de Gaston Defferre, il fut condamné à soixante jours d'arrêt à la forteresse de la Courneuve, où il se rendit le 15 avril 1957, pour « atteinte à l'honneur des troupes qu'il avait eues sous ses ordres » ! Un groupe de non-violents (avec Lanza del Vasto) qui avait entrepris un jeûne contre la torture en Algérie lui apporta son soutien et il reçut également de nombreuses lettres de solidarité dans sa cellule. Il hésitait encore à rompre avec l'armée et, à sa sortie de forteresse, il accepta d'être affecté au Congo où il fut accueilli avec méfiance et hostilité par les autorités d'AEF puis en Allemagne à Coblence sans tâche précise. Il s'y trouvait en avril 1961 quand éclata le putsch d'Alger. Cette rébellion des généraux provoqua sa démission définitive de l'armée remise à Pierre Messmer et, après une dernière visite à de Gaulle, il se retira en Bretagne.

Devenu civil, Bollardière ayant aménagé une vieille ferme près de Lorient, devint pendant deux ans et demi-attaché à la direction d'une entreprise de construction navale où il découvrit l'incommunicabilité entre le monde du patronat et des cadres et celui des ouvriers. Puis pendant sept années, il anima un organisme d'éducation permanente dans lequel le contact avec diverses catégories sociales l'amena à réfléchir sur l'identité culturelle bretonne. Il adhéra à une association culturelle régionaliste et accepta, tout en désapprouvant des actions violentes du FLB, de témoigner au procès de ces militants en octobre 1972.

Le général Massu ayant en octobre 1971 publié La vraie bataille d'Alger dans laquelle il justifiait la torture, Bollardière réagit en faisant paraître en avril 1972 Bataille d'Alger, bataille d'homme où il exposait et confirmait ses positions d'alors. Il déclarait que « La non-violence doit apporter des solutions concrètes à des problèmes concrets. » C'est ainsi qu'il participa à l'expédition dans la zone de Mururoa en juin-juillet 1973 pour protester contre les essais nucléaires français. Il fut arrêté et détenu dans une base militaire du Pacifique où il fit la grève de la faim. Le 25 juillet, le conseil des ministres prononça sa mise à la retraite d'office mais il riposta en renvoyant à Georges Pompidou sa médaille de la Légion d'honneur. Il obtint alors le soutien de François Mitterrand et de l'évêque d'Orléans Guy-Marie Riobé. Pendant une dizaine d'années, il milita dans le Mouvement pour une alternative non-violente : en Bretagne contre le projet de centrale nucléaire à Plogoff, au plateau du Larzac en soutien aux paysans en lutte contre l'extension du camp militaire (1972-1981), en 1973 il fut solidaire des ouvriers de Lip à Besançon. Enfin il répondit aux demandes des objecteurs de conscience poursuivis devant les tribunaux et il défendit les Comités de soldats interdits par le gouvernement.

De 1979 à 1986, Jacques de Bolladière lutta contre le cancer. Malade, il refusa, dans une lettre du 1er mars 1983, la proposition du ministre Hernu de le réhabiliter en même temps que les généraux putchistes. Il mourut le samedi 22 février 1986, la cérémonie religieuse de son enterrement fut présidée le 25 février par Jacques Gaillot, évêque d'Evreux.

Sa femme Simone poursuivit son combat pour les droits de l'Homme.


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