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Mingus Cuernavaca

  • Mingus Cuernavaca
Genre : Théâtre
Durée : 65
Pays principal concerné :

Texte Enzo Cormann
Musique Jean-Marc Padovani
Mise en scène Isa Armand
Scénographie et installations sonores Walid Breidi
Lumière Fantôme
Avec Gora Diakhaté

Éric Vinceno Contrebasse
John Handelsman Saxophones
Jean-Claude Montredon Batterie

Voix off Lucia Sanchez et Isa Armand

Coproduction
Cie ALIHOsA* / MJC de Villebon / Service culturel Morsang-sur-Orge / Espace 1789 St Ouen
Ave c le soutien de
MJC de Villebon / Service Culturel de la Norville
Service Culturel de Morsang-sur-Orge / Service Culturel de Brunoy / Espace 1789 St Ouen
Coréalisation
Théâtre Le Colombier Bagnolet
Projet aidé par le département de l'Essonne / ACTE 91 / la DMDTS

Une parole féroce, violente et magnifique
9 janvier 1979 Cuernavaca, Mexique.
La première page du journal local El Excelsior fait part d'un incroyable suicide collectif de 56 cachalots venus s'échouer sur les côtes de Basse-Californie ! En page 9 du même journal est annoncée la mort du compositeur et contrebassiste de jazz Charles Mingus à l'âge de 56 ans... Alors, on se souvient que Charles Mingus était surnommé "la baleine"...

Il s'agit d'une fiction sur les dernières heures de la vie de Charles Mingus.
Cette histoire singulière témoigne d'un trajet vers l'inéluctable jusqu'à son acquiescement. C'est une réflexion profonde aussi qui nous est offerte en partage et qui s'adresse à tout être au moment ou il se trouvera face à son achèvement. Enfin, c'est un véritable hymne à la création, à la vie, à l'extraordinaire difficulté de vivre, comme à l'extraordinaire difficulté de mourir.
Charles Mingus sera donc mort dans un peu plus d'une heure dans la petite ville de Cuernavaca…C'est dans un formidable élan de vie qu'expire Charles Mingus.
Par la crudité et la nudité de ses dernières pensées, derniers regards jetés sur ce que fut son existence, il arrache dans un dernier souffle exalté celui qui écoute, à la banalité du réel en le reliant à une poésie de l'univers.
Dernier souffle qui gronde, éructe et vagit dans un insatiable appétit de vivre. Musique qui libère dans un cri la parole du "nègre" Charles Mingus face au racisme. Parole qui impose aux consciences la dignité d'être un homme.
La parole et la musique se mêlent, se heurtent, s'accompagnent, se cèdent la place et révèlent l'explosion poétique de ce morceau. Dans la nuit des temps, la vision hallucinatoire et prophétique du "Grand Ming" est réintégrée au cosmos et s'en va rejoindre le grand Tout.
C'est en allant au plus près, au plus intime de cette tension entre la langue et la musique que s'impose la forme d'un jazz/ poème cher à Charles Mingus, avec au cœur même de cette musique toute la dimension de l'humain qui s'y raconte.
La scène est le lieu de la parole, la musique la conscience d'une identité.


"Je ne m'énerve pas, j'improvise!"
Jazz/poem, Parole de nègre
Mingus Cuernavaca est un "jazz/poem", une parole directe et insolente qui résonne. Cette forme particulière chère à l'œuvre du compositeur de "Fables of Faubus" s'ancre dans la culture afro-américaine de l'après-guerre et se pose en réaction aux préjugés raciaux et à toutes formes sociales et culturelles traditionnelles. Elle se pose aussi en écho du mouvement de la "Beat Generation" (J. Kerouac, A. Ginsberg, W. S. Burrough).
Ce qui nous intéresse dans cette forme, c'est qu'elle représente un formidable espace de liberté, de résistance, d'invention, d'improvisation, de déconstruction et de construction, de provocation…

"Je ne m'énerve pas, j'improvise !...
… Je compose, avec la vie, le peu de temps qui reste, le dernier set qui s'éternise, du nerf foutre-dieu !, de la vie !, tape-moi donc sur ta putain de caisse claire !, pourquoi crois-tu que je te paye, bras cassé ?, pour que tu roupilles planqué derrière tes cymbales ?, je veux que vous jouiez de la musique écrite comme si vous l'improvisiez sur le champ, et la musique improvisée, comme si elle était écrite, et par pitié !, épargnez-vous de faire du sous-Mingus, ne jouez pas COMME Mingus, jouez comme VOUS, pas comme Mingus mais AVEC Mingus, en singeant Mingus vous jouez en réalité CONTRE Mingus, je m'en vais vous sortir de vous-même par les couilles si
nécessaire !" Extrait de "Mingus Cuernavaca" E.C.

C'est dans cet esprit du "jazz / poem", dans ce rapport particulier de la musique et de la langue qu'il nous a paru naturel d'associer les nouvelles technologies en faisant quelque chose de vivant, de sensible, d'organique en interactivité avec le travail émotionnel de l'acteur. La parole, la musique et le travail multimédia créent un paysage sonore et visuel, qui se mêlent et révèlent l'explosion poétique de ce morceau.

Le comédien, grâce à quatre installations interactives-essentiellement munies de capteurs de lumière LDR*-contrôle l'environnement sonore. Son mouvement modifie la forme et l'intensité de son ombre qui créent ses propres sonorités et une interactivité avec l'écran. Les installations sont développées et programmées selon la dramaturgie de l'œuvre, ce qui permet de les intégrer conceptuellement dans l'écriture. Cela permet également d'introduire un élément de non-linéarité dans la narration en créant d'autres combinaisons, ce qui représente toute la singularité du processus.
*LDR : Photo cellule qui mesure les changements de luminosité de l'espace où il se trouve.

La scénographie se dessine au fur et à mesure du spectacle. D'abord charnelle, la vibration de la toile devient spirituelle. Elle prend fin dans l'exaltation, convoquant les esprits des jazzmen, compagnons d'armes de Mingus, qui le rejoignent dans son passage à l'orient de la musique. A l'acceptation de sa propre fin.

Ce que nous souhaitons passionnément faire entendre dans la tension du jazz et du poème, c'est un espace nécessaire pour revendiquer, impulser un élan.
Isa Armand

À propos de Charles Mingus
Charles Mingus naît le 22 avril 1922 en Arizona. Il grandit dans le ghetto noir de Watts en Californie. Il est élevé dans l'apprentissage de la musique classique, au milieu de frères et sœurs qui chantent, pratiquent le piano ou la guitare. Il fréquente avec son père l'église méthodiste et avec sa belle-mère, celle de Holiness. Il préfère la seconde à l'atmosphère "plus sauvage". On y joue le blues, on s'y livre aux incantations et aux lamentations qui répondent au preacher (le prêtre). C'est la base de la culture noire, par conséquent également celle du jazz.
Il apprend le violoncelle, puis le trombone et enfin le piano, qu'il n'abandonnera jamais vraiment. C'est l'intervention de son voisin Buddy Collette, qui va orienter définitivement Charles Mingus vers la contrebasse : "Prends donc une basse Mingus. Tu es noir, tu ne feras jamais rien de bon dans la musique classique. Il faut que tu joues d'un instrument noir : apprends donc à slapper la basse".
Entre 1941 et 1943, il joue avec Louis Amstrong puis va d'engagement en engagement avec tous les musiciens restés célèbres durant cette période : Art Tatum, Stan Getz, Charlie Parker, Miles Davis, Bud Powell et Max Roach.

En 1953, après son premier disque avec Dizzy Gillespie, il est engagé dans le big band de Duke Ellington. Il n'y passe pas longtemps puisqu'il se fait virer pour s'être battu avec un des musiciens à cause de propos racistes.
Il crée alors le "Charles Mingus work shop", son atelier de musique expérimentale, lieu exceptionnel d'invention, de provocation et de déconstruction des formes de jazz traditionnelles. C'est le début de ce qu'on appellera le free jazz.

En 1960, son morceau "Fables of Faubus" dédié à la malhonnêteté d'un sénateur est refusé par sa maison de disques. Les années 60 sont une suite d'impertinences contre les formes sociales traditionnelles et le racisme. Mingus s'y investit à fond, et disparaît de la scène en 1965 épuisé par cette lutte permanente et sans grands effets.

Il revient en 1971 avec une autobiographie restée célèbre "Beneath the Underdog".

Il meurt à Cuernavaca au Mexique en 1979 après avoir consacré toute une vie à l'engagement politique et culturel. Sa musique sonnait comme un cri de révolte, répercuté par sa contrebasse.

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