L'histoire d'Apprentissage de la Mémoire, c'est un peu la "Madeleine de Proust" de Kangni Alem, auteur, comédien, metteur en scène d'origine togolaise habitant à Lormont, écrivain-voyageur en perpétuel mouvement, "citoyen du monde" En effet, le texte qui donne son nom au spectacle n'était pas à l'origine, une initiative personnelle. C'est Guy Lenoir (MC2a) qui lui en passera commande, dans le cadre d'un projet intitulé Nationale 10, ayant pour thème la migration. C'est à partir de là qu'il va réfléchir sur sa propre position... d'immigré.
C'est à travers cet exercice artistique qu'il retrace son parcours, de Lomé à Bordeaux en passant par les Amériques, où il se trouvera successivement confronté au déracinement, au racisme américain ("un racisme qui n'existe sous cette forme nulle part ailleurs"), aux délires sécuritaires, aux passés "contournés" (Bordeaux port négrier), au fait d'être apatride, au capitalisme sauvage... Loin de la leçon de morale ou du pensum géopolitique, Kangni Alem a choisi le ton de l'humour pour traiter nombre de ces sujets. Non pas pour les édulcorer, mais parce que, selon ses propres termes, "raconter sa vie ne peut toucher les gens que si l'on est capable de ne pas se prendre trop au sérieux, tout en évoquant des sujets qui peuvent être graves ou polémiques."
Côté expérience, le côté truculent de l'entreprise est de voir l'auteur interpréter son propre texte, qui n'est autre que sa propre vie. Une double mise en abyme audacieuse.